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Mercredi 14 Août 2013, plateau de Tarkeddite, 2940m, Camp de base du M’Goun.

 

Je n’arrive pas à trouver le sommeil…peut-être à cause du thé : depuis que l’on est arrivé cet après-midi, j’ai bien du boire une théière à moi tout seul. Ou bien c’est peut-être l’excitation de ce qui nous attend demain : l’ascension du jbel M’Goun, à 4068 mètres. Comme tous les soirs, Ali, notre guide, nous a fait le briefing avant d’aller nous coucher : demain, réveil à 4h30 car la montée sera longue. Il y aura peut-être beaucoup de vent là –haut. Heureusement, les mules et nos violoncelles prendront le chemin du col  qui permet d’arriver directement au prochain bivouac que nous rejoindrons après l’ascension.

 

En essayant de m’endormir, je me dis qu’il ne faut jamais sous-estimer l’ascension d’un « 4000 ». Alors je repense au concert de ce soir, avant le délicieux Sfâa que nous a servis Aziz. J’ai les notes de Makedoumska, ce thème macédonien, qui me tournent en boucle dans la tête. Puis je revois cette scène, avec tout le groupe de randonneurs qui entonnent ce chant  argentin,  Ahora que estamos solos, sous la direction d’Eléonore qui ne sait plus quel groupe soutenir dans le canon pour qu’ils ne perdent pas le tempo… Je crois même que parmi eux, il y avait des randonneurs que nous ne connaissions pas. Sans doute d’autres candidats au M’Goun, qui campent à l’autre bout du plateau, attirés par les notes de violoncelle lorsque le vent a tourné vers l’Est.

Ce vent… C’est peut-être ça qui m’a fatigué...Je tombe de sommeil…

Cette nuit, le chacal hurlera …

 

Vendredi 16 Août 2013, village de Tarzout, gorges d’Achabou

 

Le bivouac est éclairé par une pleine lune rayonnante. C’est une soirée douce et sans vent. Ce soir, Christophe nous joue la 1ère suite de Bach. Nous sommes au milieu d’un petit village au cœur des gorges. Les enfants du village, que j’ai rejoins pour le concert, sont intrigués. Ils m’encerclent, chuchotent, se poussent pour mieux entendre, se penchent vers ce violoncelliste, venu à pied jusqu’à eux après cinq jours de marche.

 

Quel est cet instrument ? Que fait-il ? Quel est ce son charmeur qui sort de la nuit et vient se heurter aux parois des gorges ?

 

En écho, Aziz fait la vaisselle. On entend des rires de la tente des muletiers, et Bach qui se faufile dans ce tumulte de sons familiers. Nous sommes à plusieurs heures de marche de la première piste. Nichées au pied de la falaise, quatre familles habitent ici, dans de jolies petites maisons en pisées, sans eau courante ni électricité. Ce soir, nous partageons avec elles un bel instant de vie…

Jeudi 26 Décembre 2013, Erg Chegaga, Sahara.

 

J’aperçois trois petites tâches, très lointaines, perdues dans cette immensité ocre. Il y en a une blanche, une brune et une beige. Ce sont nos trois dromadaires. Comme chaque soir, une fois arrivés au campement et après avoir été déchargés des 100 kg contenus dans leurs paniers, ils partent sillonner les dunes alentours .Ils vont parfois très loin. Mais Moubarak les retrouvera toujours, comme à l’instinct. A l’instinct il partira dans la bonne direction, montera sur la plus haute dune et repèrera ses bêtes.

 

Les yeux des chameliers sont emplis de dunes qui forment entre elles une symphonie dont ils connaissent chaque note. Pas à pas ils composent des thèmes dans le sable qui s’effaceront à la première brise. Chaque thème est unique, d’une justesse incroyablement parfaite.

Comme chaque soir, chacun est monté sur sa dune pour profiter de la magie du coucher du soleil. Ma dune devient rouge. Cela ne durera pas longtemps. Celle d’Eléonore, un peu plus loin et un peu plus haute, s’est déjà éteinte.

 

Je suis monté avec le violoncelle : les premiers sons me donnent l’impression de voir à 360° tout en restant immobile. Les dunes tournent, de plus en plus vite. Elles dansent … C’est la danse orientale.

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